Je ne prétends en aucun cas détenir une vérité absolue. Ce poste est davantage un témoignage qu’un guide. Mon intention est de combler en partie le manque d’information au sujet des voies d’accès aux ENS lorsque l’on est en université. Les sites internet nous renseigne peu, nous n’avons pas droit à des rapports de jury qui expliquent ce qui est attendu (pour les dossiers), les critères des jurys sont assez obscurs avant d’être jeté dans la bain des entretiens/oraux. Malgré le bon vouloir des professeurs/maîtres de conférence, ils sont peu renseignés sur les modalités d’accès aux ENS par les voies universitaires tant ce chemin est peu emprunté. Ayant tenté les admissions sur dossier et le second concours, je suis ici pour éclairer les futurs L2 (voire L3) qui voudraient tenter leur chance. Mes propos sont valables uniquement pour les départements de Biologie des ENS de Paris, Paris-Saclay (ex-Cachan) et Lyon.
Avant tout, je pense que se censurer est une erreur à ne pas commettre, quel que soit son parcours. J’ai un parcours atypique et une année de « retard » par rapport aux autres due justement à mes réorientations. Pour faire court, après une BCPST, j’ai suivi une année de PACES (par défaut), avant d’intégrer la L2 BioPlus de Paris Sud. Néanmoins, j’ai toujours essayé de valoriser mes changements de voies notamment en faisant des stages recherche (3 mois en PACES, 1 mois et demi en L2) qui sont des atouts non négligeables lorsque l’on souhaite entrer dans une ENS.
Le voie sur dossier existe en fin de L2 Biologie pour Ulm, Paris-Saclay et Lyon. L’étude des dossiers (résultats académiques, expériences, …) constitue la phase d’admissibilité. Les admissibles sont ensuite convoqués à des entretiens de motivation. Si un candidat s’est avéré être assez convaincant, il est admis et obtient le statut de normalien-étudiant. Le cursus est le même que les normaliens-élèves, mais la scolarité dure 3 ans et non 4. De plus, les étudiants ne sont pas fonctionnaires stagiaires et non rémunérés.
Le second concours pour les L2 est proposé uniquement par l’ENS de Lyon. Il n’y a pas de places définies à l’avance pour chaque département mais seulement un nombre de postes tous départements scientifiques confondus. Les lauréats obtiennent le statut de normalien-élève et sont fonctionnaire stagiaire au même titre que leurs camarades ayant intégré au biais du concours de CPGE.
Admission sur dossier
En milieu de L2, la saison des dossiers débute. A peu de choses prêt, les documents demandés sont les mêmes (bulletins, lettre de motivation, lettre de recommandation, CV, pièce d’identité, …) pour les trois ENS. Néanmoins, les entretiens oraux sont très différents. Nous pouvons réellement sentir la coloration de chacune des ENS lors des discussions avec les jurys.
- Ulm
Vient ensuite l’heure des expériences en laboratoire. On explique le sujet et quel a été notre rôle. Les questions s’enchaînent et sont de plus en plus pointues pour voir jusqu’où l’étudiant peut aller. Chaque membre du jury a une ou plusieurs questions. Ne pas savoir répondre n’est pas disqualifiant, l’admettre est même un signe d’honnêteté intellectuelle. De toute manières, ils savent qu’en fin de L2, on ne peut pas tout savoir même si on a travaillé sur le sujet. A noter que les questions sur mon stage de biologie moléculaire ont occupé 70% du temps de l’entretien tandis que celles de mon stage de biochimie n’ont pas duré plus de 3 minutes.
Le jury demande ensuite si nous avons candidaté autre part. J’ai choisi la carte de l’honnêteté. J’ai répondu en effet que j’avais déposé un dossier partout que j’étais également admissible au second concours. Ils nous posent ensuite la fameuse question : quel est notre premier choix ? Sans aucune hésitation, j’ai répondu Lyon, pour son second concours et les avantages que procurent le statut de normalien-élève. Tous les membres du jury m’ont répondu que c’était évident et que le contraire aurait été étonnant.
Enfin, les dernières questions portent sur nos perspectives dans un avenir plus ou moins proches : dans quel discipline voudrions nous faire un stage ? dans quel laboratoire (j’ai eu la chance de donner un laboratoire que connaît l’un des examinateurs) ? quel sujet de thèse ? Pour finir, ils nous questionnent sur nos lectures scientifiques. Répondre que l’on est pas abonné à une revue n’est pas une hérésie. J’ai cependant rebondi sur le fait que j’avais lu un article du journal du CNRS qui parlait des travaux d’une normalienne qui était chercheuse à Ulm : expliquer ce que j’avais compris et l’intérêt de ses recherches. Et grand hasard, ils la connaissaient très bien, elle était d’ailleurs au bureau d’en face.
Sur ces mots, l’entretien touche à sa fin après un échange d’environ une demi-heure. Une attitude décontractée permet d’appréhender l’exercice avec plus d’aisance même si les premières secondes peuvent être impressionnantes, on ne sait pas encore à quelle sauce on va être mangé. Ce qu’il faut en retenir, c’est qu’il faut avoir de solides connaissances sur ces stages de recherche et justifier chaque propos : pourquoi ce choix d’UE, pourquoi cette ENS, pourquoi ce parcours, … Faire preuve de pédagogie peut également être un grand avantage notamment parce que l’ENS forme des enseignant. Gardez à l’esprit que le jury est là pour aider les candidats et fait preuve de bienveillance. Certains font même preuve d’humour. L’ambiance est décontractée sans être désinvolte, le but est de vous mettre à l’aise. Nous recevons un premier mail, le lendemain cette année, pour nous informer de la décision du jury qui n’est définitive qu’une fois la commission s’étant réuni début juillet.
- Lyon
- Paris-Saclay
- En bref
Admission sur concours
En fin de L2, l’ENS de Lyon propose un concours octroyant aux lauréats les mêmes droits que les normaliens ayant intégré par les classes préparatoires. Au vu de mon parcours atypique, j’ai dû au préalable faire une demande dérogation qui me fut accordée. Lors de l’inscription, nous devons choisir deux disciplines scientifiques ainsi qu’une langue vivante. Pour ma part, ce fut Biologie en majeure, Géologie en mineure et Anglais. J’avoue avoir largement regretté d’avoir choisi Géologie au lieu de Chimie vu mes faibles souvenir de BCPST. En effet, les écrits portent sur les programmes de première année et de deuxième année de classe préparatoire. Les admissibles sont ensuite convoqués aux épreuves orales : Anglais, Géologie, Biologie et Projet (plus ou moins un TIPE, dont les consignes me sont encore assez obscures). Les programmes des oraux portent sur les programmes suivis au cours de notre cursus : 1BCPST, PACES et L2 BioPlus pour ma part. En vue de l’épreuve de projet, le dossier doit être envoyé une semaine après les admissibilités et l’oral doit être préparé (diaporama à l’appui, bien que la présentation reste à l’appréciation du candidat).
L’épreuve de projet personnel est un oral de 15-20 minutes suivi de 15-20 minutes de question en rapport avec les sujet, puis d’une discussion de quelques minutes sur la poursuite de nos études. Le jury était composé d’un professeur de Biologie et d’un professeur de Chimie (mon sujet relevant de la Biochimie).
La Géologie est une suite d’exercice au tableau assez variée. Je suis tombé sur de la reconnaissance de roches, de la cartographie et de la géophysique. Certaines notions étaient clairement hors programme, mais savant que je n’étais pas géologue pour un sous, le membre du jury m’a aidé volontiers dans mes recherches. Je pense d’ailleurs que ce sont les qualités de la réflexion scientifique du candidat qui priment sur les connaissances brutes.
La Biologie est une khôlle, sans préparation depuis la session 2018. Nous avons le choix entre deux sujets. De mémoire, ce fut « les macromolécules glucidiques » et « liaisons protéines/ADN : relation structure/fonction ». J’ai opté pour les glucides. Nous sommes libres d’utiliser le tableau ou non, mais il s’agit d’un support non négligeable pour un exposé clair. Il est très difficile de traites des sujets de biochimie sans dessiner les molécules, les liaisons. Bref, la principale complexité est de parler tout en dessinant au tableau. L’exposé est suivi de quelques questions sur le sujet choisi, puis sur l’autre pour s’assurer des connaissances générales de l’étudiant. Puis, l’examinateur questionne brièvement sur les stages en laboratoire avant de passer au second exercice. Ce dernier est une discussion informelle autant d’un exercice basé sur des expériences tirées d’un article scientifique. Tout au long e la trame, le candidat analyse les résultats, émet des hypothèses et des conclusions. Un esprit critique des résultats est grandement valorisé (analyse des barres d’erreurs, proposition d’expériences alternatives, …).
En dernier lieu, l’épreuve d’anglais est l’analyse d’un article d’actualité ou tiré d’une revue scientifique. Il faut le résumer et l’analyser, puis présenter le tout à l’oral. Une phase de questions suit l’exposé.
Le second concours qui est pourtant une voie d’accès réputée assez accessible est peu évidente pour un biologiste, les facultés proposant rarement des cursus bi-disciplinaires incluant les sciences du vivant. Il me semble que cette année, nous sommes deux biologistes à avoir été reçu au second concours.
J’espère que ce témoignage éclairera les universitaires qui souhaitent intégrer une ENS.
Bien à vous,