Mon experience à l'ENSAE et mes perspectives pour après

Pour témoigner ou appeler à témoignage ceux qui sont sortis depuis peu ou depuis longtemps de leurs écoles.

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Mon experience à l'ENSAE et mes perspectives pour après

Message par Ali_J » 23 juin 2020 16:12

J'ai intégré l'ENSAE en 2015 via le concours mines-ponts, après 2 ans de prépas au Maroc et une 5/2 en France.
Pendant la prépa, j'aimais beaucoup faire des maths, et mes profs me considéraient doué.
Pendant la prépa comme avant, je n'ai jamais été un élève sérieux ou modèle: je travaillais juste par plaisir (généralement les maths ou la physique) et je délaissais souvent le reste.
J'ai passé d'horribles années pendant ma vie en école d'ingé (je ne sous entends pas que c'est la faute de l'ENSAE).
Désintérêt total pour les cours, je ne comprenais pas grand chose à ce qui se passait dans tout ce qui n'était pas mathématique et en même temps ça ne m'intéressait aucunement.
J'ai commencé à sécher les cours et restais isolé dans mon petit studio de 18m^2.
Mon rythme de sommeil s'était complètement déréglé ce qui faisait que je n'arrivais plus du tout à aller en cours.
Petit à petit j'ai perdu goût à la vie: désintérêt total, plus de plaisir... j'ai commencé à remettre en question pourquoi je vivais et j'ai développé des idées suicidaires.
Je suis allé voir la psychologue de l'école qui m'a redirigé vers un psychiatre: il a diagnostiqué une dépression et m'a mis sous anti-dépresseurs, qui n'ont fait qu'aggraver la situation.
Pour ne pas rendre le post trop long je ne rentre pas plus dans les détails, mais 4 ans après j'ai obtenu mon diplôme et je suis rentré dans mon pays. Mon état mental s'est beaucoup amélioré depuis. Ensuite j'ai commencé une thèse en optimisation, mais le contenu s'est avéré extrêmement appliqué et pas du tout mathématique: je me suis retrouvé incapable encore une fois de faire les tâches qui m'étaient demandés et je m'en sentais coupable. Au final, j'ai quitté ma thèse pour préparer l'agrégation de mathématiques pour l'an prochain. Depuis, je prépare chez moi et je prends beaucoup de plaisir à faire ce que je fais. J'ai complètement accepté le fait que je ne suis pas fais pour travailler en tant qu'ingénieur et j'ai arrêté de m'en sentir coupable. Je me sens libéré désormais, et je suis très motivé pour passer l'agreg et devenir prof de maths.
Si je vous ai raconté un bout de ma vie, ce n'est pas pour rien, c'est parce que ça m'a pris du temps pour accepter que je ne suis pas "comme tout le monde" et arrêter de me torturer pour ça, et je me dis que ce serait bien si quelqu'un pouvait apprendre de mon expérience.
Si vous lisez ça, acceptez vous comme vous êtes, n'essayez pas de ressembler à quelqu'un ou à être ce qu'une tierce personne attend de vous. Faites ce que vous aimez: vous réussirez bien mieux sur tous les plans!
2012-2013: MPSI 3 Salé
2013-2014: MP 1 Salé
2014-2015 : MP* Lycée Henri Wallon.
2015- : ENSAE Paristech

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Re: Mon experience à l'ENSAE et mes perspectives pour après

Message par zede » 23 juin 2020 17:24

La première réussite sera de voir le bonheur cesser de fuir.
Quant à la réussite, je trouve étrange la méconnaissance totale du grand public sur ce que représente d'être agrégé. Rien à envier au statut d'ingénieur (et réciproquement).

Bon courage pour ta préparation, et même bonne chance car après-tout, elle est parfois bonne à prendre aussi.

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Re: Mon experience à l'ENSAE et mes perspectives pour après

Message par flo2711_33 » 24 juin 2020 19:23

Je crois qu'on est beaucoup à avoir fait des dépressions en école, pour des raisons diverses et variées:
- absence du "lien familial" pour la première fois
- campus d'école souvent fermés sur eux-même, dans des emplacements très isolés sans aucun commerce ou activité, bulle masculine et scientifique, résidences étudiantes parfois sombres et tristes (surtout le weekend où tous les parisiens rentrent chez leur famille)
- aucun suivi individualisé en école d'ingé, on est complètement livré à soi-même
- cours qui paraissent moins rigoureux, mauvais profs comparés à la prépa
- toute la vie sociale passe par les assos ou le réseau de son lycée de prépa, pour les provinciaux qui ne connaissent pas ce système c'es très difficile
- pour certaines écoles, large promo en mode "usine" qui font qu'on ne revoie jamais les mêmes personne plus d'une fois par mois, gros sentiment d'anonymat
- rien n'est fait par les écoles quasiment pour permettre aux élèves de tisser des liens d'amitié
- gros désenchantement par rapport à la vision paradisiaque dépeinte en prépa

C'est tellement différent d'un système à l'anglaise ou l'américaine où des événement sociaux sont régulièrement organisés par l'école, où chaque élève a un tuteur qui le suit individuellement (même si les facs us et uk font payer bcp plus donc ont plus de moyens)
. Le système de l'école d'ingé à la française avec un enfermement sur des campus avec des gens ayant quasi tous le même profil! masculin, scentifique, classe sociale élevée ne convient pas à tous le monde. Ce que je dis ne concerne évidemment pas les (de plus en plus rare) école d'ingés situées en centre-ville.
En France on a pas encore cette notion du bonheur des élèves, les écoles ne se posent pas trop la question, seul semble compter la réputation et le classement de Shanghai (cf projet de Paris Saclay)

Bref il y a un gros tabou par rapport à ce sujet de la dépression en école et je salue l'auteur du poste pour avoir eu le courage d'en parler ici.

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Re: Mon experience à l'ENSAE et mes perspectives pour après

Message par Ali_J » 25 juin 2020 02:52

flo2711_33 a écrit :
24 juin 2020 19:23
Je crois qu'on est beaucoup à avoir fait des dépressions en école, pour des raisons diverses et variées:
- absence du "lien familial" pour la première fois
- campus d'école souvent fermés sur eux-même, dans des emplacements très isolés sans aucun commerce ou activité, bulle masculine et scientifique, résidences étudiantes parfois sombres et tristes (surtout le weekend où tous les parisiens rentrent chez leur famille)
- aucun suivi individualisé en école d'ingé, on est complètement livré à soi-même
- cours qui paraissent moins rigoureux, mauvais profs comparés à la prépa
- toute la vie sociale passe par les assos ou le réseau de son lycée de prépa, pour les provinciaux qui ne connaissent pas ce système c'es très difficile
- pour certaines écoles, large promo en mode "usine" qui font qu'on ne revoie jamais les mêmes personne plus d'une fois par mois, gros sentiment d'anonymat
- rien n'est fait par les écoles quasiment pour permettre aux élèves de tisser des liens d'amitié
- gros désenchantement par rapport à la vision paradisiaque dépeinte en prépa

C'est tellement différent d'un système à l'anglaise ou l'américaine où des événement sociaux sont régulièrement organisés par l'école, où chaque élève a un tuteur qui le suit individuellement (même si les facs us et uk font payer bcp plus donc ont plus de moyens)
. Le système de l'école d'ingé à la française avec un enfermement sur des campus avec des gens ayant quasi tous le même profil! masculin, scentifique, classe sociale élevée ne convient pas à tous le monde. Ce que je dis ne concerne évidemment pas les (de plus en plus rare) école d'ingés situées en centre-ville.
En France on a pas encore cette notion du bonheur des élèves, les écoles ne se posent pas trop la question, seul semble compter la réputation et le classement de Shanghai (cf projet de Paris Saclay)

Bref il y a un gros tabou par rapport à ce sujet de la dépression en école et je salue l'auteur du poste pour avoir eu le courage d'en parler ici.
Merci pour votre commentaire.
Je ne ressens aucune honte à parler de ma dépression, donc pas de pb.
Je pense que l'orientation pose problème chez plusieurs jeunes.
Dans mon cas par exemple, je n'avais aucune idée de ce qu'est le métier d'ingénieur, j'ai juste fais prépa MP par ce que j'étais plutôt bon en maths/physique au lycée, puis l'ENSAE parce que c'était l'école la plus "matheuse" parmi celles du concours mines-pont.
Il y avait aussi cette idée, qui est présente aussi chez pas mal de taupins, de vouloir faire une école prestigieuse à tout prix. Je n'avais pas du tout pensé à intégrer une fac en L3 maths, alors qu'à fortiori ça aurait été un bien meilleur choix.
Sinon, tous les facteurs dont vous avez parlé sont aussi très importants: vivre seul et être désintéressé par ce qu'on fait mènent souvent à la dépression.
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Re: Mon experience à l'ENSAE et mes perspectives pour après

Message par father » 25 juin 2020 07:28

Ton témoignage est intéressant et émouvant
Le cas de figure de l étudiant qui souhaite poursuivre les maths à un niveau théorique approfondi est assez courant mais tous ne l expriment pas franchement
Bien sûr il y a les ens pour cela mais les places sont chères
Et comme tu le dis, il ne faut pas hésiter à aller dans les cursus ad hoc :
magistères, ens sur dossier, l3 de pointe...
Certains taupins font ce choix, y compris parmi les meilleurs élèves et le vivent très bien

Il est clair que faire ce qu on aime est un bon rempart contre la dépression.
Vivre seul ne facilite pas les choses mais on peut nouer des contacts au sein de l école... ou en dehors
C est même recommandé, même si c est difficile depuis un plateau isolé

Les écoles proposent souvent pas mal d associations
On peut aussi faire du sport le we en dehors de l école ou n importe quel hobby (musées visites en groupe, randonnées, bénévolat...)
Tout ce qui crée du lien

Les ens présentent l avantage de mixer scientifiques et littéraires (davantage mixtes), Paris et Lyon sont intra muros, bcp d activités...
Mais il y a qd même des dépressions
C est le contrecoup des 2ans tendus vers un seul objectif
C est quoi l objectif suivant...

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Re: Mon experience à l'ENSAE et mes perspectives pour après

Message par 1gundam » 28 juin 2020 13:08

Ali_J a écrit :
23 juin 2020 16:12
J'ai intégré l'ENSAE en 2015 via le concours mines-ponts, après 2 ans de prépas au Maroc et une 5/2 en France.
Petit à petit j'ai perdu goût à la vie: désintérêt total, plus de plaisir... j'ai commencé à remettre en question pourquoi je vivais et j'ai développé des idées suicidaires.
- Bravo pour avoir surmonté ce passage à vide.
L'Ensae a mis en place une consultation avec une psychologue, qui vient à l'école. C'est bien.
Je me rappelle d'un élève qui s'était suicidé. L'école avait refusé de donner son dossier scolaire à sa famille, c'est moins bien.

- Certains élèves se désintéressent de leur école d'ingénieur, et ne souhaitent plus être ingénieurs. Une étudiante a fait un bilan de compétences, et aujourd'hui, elle donne des cours particuliers à Nantes.

- Même une fois dans la vie active, de plus en plus d'ingénieurs se reconvertissent. je viens de voir une fille qui a travaillé à l'Inspection générale de la BNP, en risque-conformité, et maintenant est blogueuse-voyage.

- Après l'enseignement va être rude aussi. il y a une différence entre aimer les mathématiques, et faire cours dans un collège. Même un agrégé peut être affecté dans un collège, en tout cas en France.

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Re: Mon experience à l'ENSAE et mes perspectives pour après

Message par Ali_J » 28 juin 2020 19:13

1gundam a écrit :
28 juin 2020 13:08
Ali_J a écrit :
23 juin 2020 16:12
J'ai intégré l'ENSAE en 2015 via le concours mines-ponts, après 2 ans de prépas au Maroc et une 5/2 en France.
Petit à petit j'ai perdu goût à la vie: désintérêt total, plus de plaisir... j'ai commencé à remettre en question pourquoi je vivais et j'ai développé des idées suicidaires.
- Bravo pour avoir surmonté ce passage à vide.
L'Ensae a mis en place une consultation avec une psychologue, qui vient à l'école. C'est bien.
Je me rappelle d'un élève qui s'était suicidé. L'école avait refusé de donner son dossier scolaire à sa famille, c'est moins bien.

- Certains élèves se désintéressent de leur école d'ingénieur, et ne souhaitent plus être ingénieurs. Une étudiante a fait un bilan de compétences, et aujourd'hui, elle donne des cours particuliers à Nantes.

- Même une fois dans la vie active, de plus en plus d'ingénieurs se reconvertissent. je viens de voir une fille qui a travaillé à l'Inspection générale de la BNP, en risque-conformité, et maintenant est blogueuse-voyage.

- Après l'enseignement va être rude aussi. il y a une différence entre aimer les mathématiques, et faire cours dans un collège. Même un agrégé peut être affecté dans un collège, en tout cas en France.
Merci pour votre retour,
Est ce que le cas de suicide était à l'ENSAE ? quelle année ?
Dans mon cas, c'était principalement à cause des anti-dépresseurs.
Il peut y avoir une grande différence entre ce que deux personnes différentes peuvent appeler "dépression". Dans mon cas, au début c'était juste un manque d'intérêt et de motivation dans la vie et un sentiment général de malêtre. Quand j'étais sous anti-dépresseurs, c'était devenu insupportable: mon cerveau ne fonctionnait pas correctement, je passais mes journées au lit à imaginer des manières de mettre fin à mes jours...J'avais demandé à être hospitalisé à l'hôpital d'Orsay mais on m'a répondu qu'il n'y a "plus de lits"...
Sinon pour l'agrég au Maroc, tous les admis sont affectés en prépa car il y a un grand besoin.
C'est la même épreuve d'admissibilité que l'agrég française, avec la même barre d'admissibilité mais avec une épreuve d'admission locale.
D'après ce que j'ai entendu, les premiers classés peuvent choisir où ils travaillent tandis que les derniers peuvent être affectés dans un coin perdu.
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Message par esx » 29 juin 2020 04:37

une idée sur les salaires des profs agrégés au Maroc ?

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Re: Mon experience à l'ENSAE et mes perspectives pour après

Message par 1gundam » 29 juin 2020 17:47

L'histoire dont je parlais est arrivée à l'Ensae, il y a longtemps.
Trop d'élèves intègrent une école d'ingénieur pour faire une formation réputée, et si cela ne correspond pas à un projet professionnel, c'est souvent vain.

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Re: Mon experience à l'ENSAE et mes perspectives pour après

Message par Ali_J » 29 juin 2020 19:46

esx a écrit :
29 juin 2020 04:37
une idée sur les salaires des profs agrégés au Maroc ?
11000dhs (1000euros à peu près) c'est le salaire que donne l'état à un prof agrégé (ça inclut les kholles), 11000dhs au Maroc permet d'avoir un niveau de vie équivalent à 2000-2500euros à Paris je dirais.
Mais généralement les profs agrégés au Maroc font des cours supplémentaires dans des centres de soutien scolaire et/ou enseignent dans des prépas privés. Il y avait 7 prépas privés à Rabat mais 4 ont fermé parce que les résultats sont mauvais et les gens ont de plus en plus peur de faire prépa(d'après les dires de mon prof de maths de sup avec lequel j'ai gardé contact).
Je connais un prof de physique très réputé qui fais au minimum 8 heures de cours supplémentaires par jour !
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