slate.fr a écrit :D'ailleurs, ils savent tout sur tout.
Ils peuvent aussi bien pérorer pendant des heures sur l'influence de Cervantès dans les romans de jeunesse de Garcia Marquez que de disserter jusqu'à l'aube à propos des différences d'approche entre les tenants de l’École de Chicago et celle de Manchester; ils connaissent sur le bout des doigts Beaumarchais et Bourdieu, Mozart et Mahler, Picasso et Picabia; ils sont cultivés au point de pouvoir réciter en grec ancien des passages entiers de l'Odyssée; ils ont lu les Évangiles, le Talmud, le Coran; rien ne saurait leur échapper et comme ils aiment à cultiver une petite part d'excentricité afin de se démarquer de leurs camarades de promotion, si vous les poussez dans leurs derniers retranchements, ils avoueront en rougissant une faiblesse pour la chanson française, notamment Joe Dassin dont ils connaissent les moindres refrains de ses chansons –surtout «Les Dalton».
Ils sont abonnés au Figaro et au Monde, parfois même à Médiapart parce qu'ils sont farouchement pour la liberté d'expression et la libre-entreprise –même s'ils ne le lisent jamais; pendant leurs vacances d'été qu'ils passent dans un coin du Perche à se reposer au sein de leur maison familiale vieille de plusieurs siècles, ils relisent en Pléiade tout Chateaubriand et s'extasient: «Quel esprit délicieux, quelle fougue, quel panache!» et quand leur progéniture leur joue du haut de leurs trois ans le Concerto pour l'Empereur de Beethoven, ils sont si heureux qu'ils ont comme un orgasme qui leur souille le devant de leurs pantalons en lin.
Damn.
Un portrait au vitriol du milieu intellectuel français sous forme de longue liste de course, et zéro référence au savoir scientifique - voilà qui en dit long.
J'émets personnellement deux hypothèses pour expliquer ce phénomène :
1. Cette omission est volontaire, et ce monsieur a bien trop peur de s'en prendre aux capacités intellectuelles d'un chercheur en physique quantique ou en biologie (et il a bien raison, c'est quand même plus dur de s'en prendre à quelqu'un en quête de vraies avancées, et dont les travaux ne se limitent pas à l'étude d'une collection d'ouvrages du siècle dernier)
2. Cette omission est involontaire, et ce monsieur n'a même pas ne serait-ce qu'un seul instant pu imaginer qu'un "intellectuel" puisse ne pas être un lettré (au sens large du terme). Etonnons-nous ensuite qu'avec de tels préjugés on vante sans cesse à la jeunesse les mérites des sciences molles et des formations tièdes, tout en crachant sur la soi-disant brutalité des sciences dures.
Quoiqu'il en soit il ne nous apprend rien : quand on y réfléchit une seconde l'utilité pour la société d'une formation en lettres - fûssent-elles modernes - est nulle (voire négative, ces oisives personnes que sont les diplômés en lettres ayant bien souvent la fâcheuse tendance d'entraîner d'autres garnements dans leurs élucubrations grotesques).
Je le répète cet article est symptomatique : symptomatique d'une société tournée vers le passé, glorifiant écrivains ou artistes dont les travaux ont leur place dans une bibliothèque ou dans un musée et certainement pas dans une salle de classe. La culture générale n'a jamais été une mesure satisfaisante de l'intelligence, tout au plus un proxy des capacités mémorielles et du niveau social.
Mais comme dirait l'autre : "change my mind"
