Deux précisions avant que je ne commence mon message :
Je suis en prépa littéraire, donc mon vécu n'est pas celui d'un taupin.
De plus, ma première année s'est bien passée, je suis donc conscient que j'ai probablement une meilleure vision de la prépa que beaucoup de gens.
Pour entrer dans le vif du sujet, la prépa est pour moi le "système éducatif" le plus malsain qui existe. Pourquoi? Pour faire simple, c'est un apprentissage dont le seul but est d'écraser son concurrent, on n'apprend pas les sciences pour les sciences, mais des techniques pour s'en sortir aux concours et être meilleur que les autres.
En effet, dans les filières littéraires, bien que le discours général nous encourage à l'ouverture d'esprit, à la curiosité et à la construction originale de soi, on est bien conscient que préparant un concours difficile en peu de temps, il nous faut être efficace. Ce qui nous conduit à entendre nos professeurs nous dire "ne lisez pas ça, c'est trop long". Or justement, beaucoup d'élèves d'hypokhâgnes sont venus ici avec l'envie de creuser, de s'approprier certaines disciplines, et pas se contenter de bachoter des manuels qui condensent une série e thèses à relier et confronter ensuite le plus habilement possible dans une dissertation.
Oui, j'aurais préféré pouvoir me concentrer sur mes matières préférées ( histoire et socio ), ne pas avoir à faire de maths ni d'économie. Oui, j'aurais aimé travailler dur, mais dans la direction de mon choix, et pas faire une course contre la montre. Oui, la prépa enseigne la technique peut-être plus que les disciplines dans ce qu'elles ont de plus noble et au fond de passionnant.
Oui, la prépa est un système qui a des côtés malsains puisqu'il fait gravement souffrir des élèves, qu'il provoque des nuits blanches de stress et parfois des larme, car il oriente tant les esprits vers un concours quasi-inacessible ( surtout dans le cas des khâgneux qui ne préparent au fond que l'ENS ) qu'il porte de terribles coups au moral lors des résultats.
Cependant, est-ce "le système le plus malsain"? Je n'en suis pas persuadé. On y fait beaucoup d'oral ( ce qui est un régal pour les bavards comme moi

). On y acquiert des compétences débordant effectivement le champs des sciences ou des lettres ( selon la prépa ) mais utiles pour autant : force de volonté, sens de l'organisation, recul ( pour les plus chanceux ).
On y progresse vraiment sur le plan scolaire et on peut, autant qu'être dégouté de certaines matières, tomber amoureux de nouvelles ( je pense à tous ces BL vénérant Dame Socio depuis leur entrée en prépa ).
En imposant un mode de pensée aussi malsain, et un mode de vie aussi avilissant (non ce n'est pas un mythe, en prépa on devient souvent gros et antipahique), la prépa détruit tout simplement l'individu. Moi à mes 18 ans j'étais enthousiaste et heureux de vivre. Pendant deux ans c'était plus le cas. Je sais ce n'est pas pareil pour tout le monde, mais j'en ai vu assez autour de moi devenir des aigris antipathiques pour penser que c'est la faute de ce système débile qu'est la prépa.
En revanche, sur ce point je ne suis absolument pas d'accord. Le quotidien du khâgneux n'est pas le sang, la sueur et les larmes. C'est le travail.
Ensuite, les gens de ma classe sont tout sauf gros et antipathiques, au contraire. La prépa fut l'occasion de rencontrer des gens ouverts, drôles, solidaires et cultivés. Et très certainement, je leur dois infiniment plus qu'aux 30 heures de cours hebdomadaires.
Enfin vous me demanderez pourquoi je suis aussi aigri. Contrairement à ce que vous pourriez croire je vais intégrer (enfin confirmation demain) une école réputée et qui rendra tatie Danielle fière. Alors pourquoi j'en veux à la prépa? Parce que j'en suis arrivé à un point où je ne rien ressenti en voyant mes résultats, rien, ni joie ni fierté. J'ai haï le fait de voir une camarade pleurer après un cours, juste parce qu'elle n'en pouvait plus. J'ai haï le fait d'être appelé "monsieur" par mes professeurs. Je me suis haï de n'avoir jamais eu la présence d'esprit de rebrousser chemin au lieu d'écouter bêtement les sirènes de l'élitisme et du prestige.
Je connais ce sentiment de remord d'une manière détournée : celle d'avoir des bonnes notes en travaillant d'une manière que l'on méprise ( bachoter un manuel la semaine du devoir au lieu d'aller "au fond des choses" ). Je me suis haï d'avoir 15 en travaillant sur un Cursus ( manuel d'histoire que tout bon bachoteur se doit de posséder ). Peut-être ne ressentirais-je rien lors des résultats non plus. Cependant, la prépa "prépare" ( profonde analyse lexicale ... ) : elle est un pont vers des écoles. Il faut donc prendre du recul par rapport aux aspects que l'on condamne, cela ne dure que deux ans ( ou trois, mais la khûbe est un choix en connaissance de cause ). De l'histoire, de la vraie ( des sciences pour toi ), tu as toute ta vie pour en faire et en retrouver le goût : on y perd pas toute sensibilité, ce n'est pas Dachau.