Antoine- a écrit : ↑05 nov. 2017 01:34
Tymscky a écrit : ↑04 nov. 2017 22:44
Excusez moi, mais moi aussi je suis intéressée par le sujet, cest quoi le problème a finir dans une ssii ? C'est mal payé /pas intéressant?
Merci d'avoir posé la question, je me la posais également. Est-ce que tu pourrais détailler un peu JO stp ? J'ai du mal à comprendre pourquoi les perspectives d'évolutions sont moindres et pourquoi en SSII on est "sous-considéré" ? Bien que je ne sois pas particulièrement intéressé, en théorie ça a l'air pas mal : du conseil, de la technique, le tout axé nouvelles technologies si j'ai bien compris, alors où est le problème ? Et pourquoi ce statut de sous-traitant ?
Pardonne moi mon ignorance, c'est juste qu'on ne me parle jamais de SSII en tant que telles.
Et désolé pour le hors-sujet momentané, c'est juste que cette question m'intéresse.
Si Benjamin se retrouve dans une école post bac, et veut toujours travailler dans l'aéro (nautique ou spatial) il a toutes les chances d'y finir. Donc ça devrait l'intéresser aussi.
Point vocabulaire : quand je dis SSII je dis société d'ingénierie.
Il se trouve que l'informatique est une partie majeure de leur métier mais les SSII vont en réalité travailler partout. Dès qu'elles peuvent faire de l'argent elles se mettent sur le créneau. Ainsi j'avais dans mon ancien bureau plusieurs personnes qui travaillaient dans la gestion de projet RH, communication ou même marketing, chez Altran (je n'étais pas chez Altran)
La première chose à savoir c'est que les écoles ne vous parleront jamais des SSII parce que les écoles sont dans un délire en mode "nos étudiants sont trop bons pour ça enfin".
Le métier d'une SSII c'est de vendre du personnel en CDI à un client, typiquement le groupe airbus, par le biais d'un contrat commercial qui lui peut être rompu plus facilement qu'un CDI. C'est de l'emploi flexible pour ingénieur.
En pratique, dans le domaine de l'aéro et du spatial, il y a quelques grands donneurs d'ordre (typiquement airbus, safran, thales..) et beaucoup beaucoup beaucoup de SSII. Donc ce marché est favorable aux grands comptes qui peuvent imposer leurs conditions. Les SSII se retrouvent à faire une guerre des prix, et c'est souvent le moins disant qui remporte la mise.
Donc pour l'ingénieur employé d'une SSII ça se traduit par le fait que le salaire et surtout les avantages seront moindres que dans une grande boite.
Le turnover sera énorme (25% est un minimum). Dans une SSII il y a deux types de poste : productif et support.
Le productif c'est un mec qui travaille pour le client et rapporte de l'argent à la société. Le support c'est une fonction qui vient organiser cette activité de vente de cerveau (RH, vendeurs, chefs de projet, directeurs, etc...). Si tu es productif, tu n'as quasiment aucune marge de progression. A part chez quelques rares SSII qui peuvent se permettre de vendre des choses un petit peu complexes à leur client (on appelle ça un work package, ils peuvent être assez gros), la marge de progression est en fait nulle : tu n'as qu'un échelon, celui d'ingénieur consultant vendu pour voguer de projet en projet. Un coup tu testes des simulateurs, l'année d'après tu écris des rapports à la con, l'année suivante tu travailles sur des lois de pilotage, etc.. Si tu es improductif, tu as une marge de progression vers des postes de vendeur, chef de projet ou directeur, mais le job n'est vraiment pas sexy du point de vue d'un étudiant ingénieur : le manager de ssii se demande comment augmenter la marge de son entreprise en vendant plus de consultants plus chers alors qu'il les paiera moins. Le manager typique chez Airbus se demande comment faire un meilleur avion. C'est autre chose comme problématique.
Au niveau du taf, tu fais presque la même chose que les internes du même poste. Mais les internes vont te refiler tous les sujets les plus répétitifs, les plus pourris, les plus simples, et se garder les sujets un peu sensibles, politiques, ou intéressants car rares, (c'est une tendance uniquement, comme sous traitant j'ai eu l'occasion de bosser sur des sujets très intéressants techniquement). Leur meilleure légitimité pour parler avec les autres internes de l'entreprise, ainsi que la plus grande stabilité de leur poste, les amènent à bosser sur des sujets plus transverses.
Ensuite vient la considération.. Je ne suis pas présent dans le milieu depuis longtemps donc j'ai raté la lente évolution qui a peut-être eu lieu, mais être sous traitant c'est généralement assez mal vécu par les personnes concernées.
Tout commence dès le premier jour quand tu arrives sur ton nouveau lieu de boulot.
Tu arrives le lundi à 10h30 après un court passage au siège de ta SSII. Tu apprends qu'on ne te remettra pas ton badge définitif ce jour là parce que le lundi matin c'est réservé aux internes. On te donne donc, plus rapidement, un badge visiteur.
Le midi, tes collègues t'invitent au restaurant, tu te dis "cool, c'est sympa de m'emmener au restau pour mon intégration"
Mardi matin tu peux faire ton badge. Surprise, il n'est pas bleu comme celui des employés internes, il est rouge. C'est visible de très loin.
Le mardi midi on va encore au restau.. Tu te demandes si ça ne leur revient pas un peu cher de faire tous ces restaurants, et si ça ne serait pas plus simple d'aller à la cantine qui se trouve juste en face du bureau. On te répond que la cantine est réservée aux internes, en fait il y a un droit d'entrée de 12€ pour les externes. Heureusement ta boite te fournit une carte ticket restaurant qui subventionne à hauteur de 5€ par jour ta restauration.
Le mercredi tu appelles le service info pour mettre en fonction ton adresse mail. C'est une adresse .
external@airbus.com, ou .
ext@safrangroup.com, et dans l'annuaire on marque bien "subcontractor for XXX" et "external" ou "Altran" s'affiche après ton nom. Ca marche. Pas de soucis.
Tu aimerais juste, en plus, un petit logiciel pour ton boulot. Du coup tu le demandes au service info, le mec est un peu surpris et demande à son collègue comment faire. Malheureusement cet idiot oublie de couper son micro et tu l'entends demander à son collègue. "Nan mais c'est un sous traitant, on s'en fout, dis lui que c'est pas possible" puis "oui monsieur ? Désolé il n'est plus possible d'installer ce logiciel".
Jeudi, tu arrives au taf. 10h00 : "bbbbbbzzzZZZZZZZZZZZ" tu te bouches les oreilles puis tu demandes "mais pinaise c'est quoi ce bruit ?" "Ah on t'as pas dit ? Notre bureau est juste à côté de la salle de test des pompes hydrauliques. C'est comme ça tous les jeudis de 10h à 16h". Tu t'intéresses donc un peu plus à ce bureau et tu te rend compte que les fenêtres donnent effectivement sur le hangar. Et tous les gens qui passent ne sont pas des collègues assis au fond du bureau, non le bureau est en fait un couloir. Tu rends visite aux internes pour fuir ce bruit, et te présenter à eux : ils ont un très beau bureau décoré avec des goodies de l'entreprise, des fenêtres sur l'extérieur et une petite cour, et une salle café luxueuse en comparaison de la pauvre bouilloire installée au fond de ton couloir.
Ce petit document de 190 pages est un assez bon résumé, à une seule chose près :
https://ploooooc.files.wordpress.com/2011/12/blog.pdf
Dans certains domaines un tout petit peu en tension, personne n'a envie d'être presta, mais les boites ont quand même besoin de presta. Les boites de presta sont donc obligées de payer un minimum les presta, à tel point que le salaire d'un JD presta peut être plus élevé que le salaire du même JD embauché chez le client. Mais ce n'est qu'un leurre destiné à attirer les JD, qui ne seront pas vraiment augmentés ensuite, et auront moins de primes, moins d'avantages.
L'aéro n'étant pas un domaine en tension (du tout), les salaires sont inférieurs chez les presta, les avantages et les primes également.
Pour toutes ces raisons, on se retrouve en sous traitance généralement parce qu'on a pas trouvé dans une vraie boite.
Et donc, les vraies boites voyant une boite de sous traitance sur un cv seront toujours un peu plus frileuses pour embaucher la personne.
Voilà, si un responsable carrière d'une école a quoi que ce soit à redire, je l'invite à lancer avec moi un débat au cours duquel je m'excuserai de ne pas avoir assez bien fait son travail.