Extraits :
Voici l'article en entier (pour les abonnés) : https://www.lesechos.fr/politique-socie ... as-2045880Le niveau en mathématiques des élèves français est en baisse. Quelles conséquences pour l'Ecole polytechnique ?
Nous ne constatons pas de baisse de niveau de nos élèves . Il y a un grand malentendu. Les très très bons en mathématiques sont toujours excellents. La France reste le premier pays du monde en matière de médailles Fields, à égalité avec les Etats-Unis. Nos écoles sont reconnues dans le monde entier. Il y a une sorte de French Touch qui fait que l'approche mathématique fonde toutes nos sciences. C'est ce qui explique que nous soyons si bons en physique quantique, par exemple.
Il n'y a donc aucun problème ?
Ce qui nous préoccupe, c'est qu'au-delà de l'Ecole polytechnique, il y ait un vivier d'élèves susceptibles d'intégrer plus largement les écoles d'ingénieurs. La France a besoin de très très bons en maths, mais elle a aussi besoin de très bons et de bons. Or, le niveau des lycéens est globalement en baisse. Dans la population générale, les mathématiques gardent cette image d'être complexes et inabordables.
Le ministre Bruno Le Maire s'est prononcé pour des quotas de filles dans les écoles et les classes prépas. Y êtes-vous favorable ?
L'introduction de quotas de jeunes filles dans les prépas mérite d'être étudiée. Imaginer un quota à 40 % comme pour les conseils d'administration des entreprises est une cible, à terme, qui paraît légitime. Pour les écoles, c'est moins justifiable, car les jeunes filles qui se présentent réussissent aussi bien que les garçons. L'objectif est qu'elles soient plus nombreuses à se présenter au concours.
La réforme du lycée a-t-elle éloigné les filles des mathématiques ?
Il existe des biais culturels qui détournent les femmes des sciences à dominante mathématique. Aujourd'hui, elles doivent faire le choix d'une spécialité « mathématiques ». C'est culturellement plus difficile qu'autrefois, le choix d'une première scientifique.
Plus généralement, les prépas et les grandes écoles sont accusées de ne pas favoriser suffisamment la diversité…
Les classes prépas sont gratuites, accessibles partout sur le territoire, donnent accès à un recrutement sur concours et offrent un taux d'encadrement exceptionnel, permettant d'acquérir des méthodes de travail extrêmement utiles. Elles sont donc un bon outil de formation et de mobilité sociale. Je ne voudrais pas qu'on jette le bébé avec l'eau du bain ! Nous avions tenté de pousser l'idée de points supplémentaires au concours pour les boursiers. Le Conseil d'Etat a retoqué cette mesure, mais il faut réétudier cette question pour aller vers plus de diversité.
Et les grandes écoles ?
Les biais culturels se forment très en amont. Pour les combattre, tous nos élèves de première année vont échanger avec des lycéens pendant leur formation humaine et militaire. L'Ecole propose aussi des stages sur notre campus, pour leur montrer les sciences par l'approche de la recherche.
Comment l'intelligence artificielle va-t-elle changer la manière d'enseigner à l'X ?
Tout le monde se pose la question. On l'utilise déjà pour détecter le plagiat. L'intelligence artificielle (IA) peut aussi être extrêmement utile pour corriger les tests, et donc simplifier le travail des enseignants. Mais la vraie opportunité se situe dans la constitution de parcours personnalisés, pour adapter l'enseignement au profil d'apprentissage de chaque étudiant.
L'Europe a-t-elle une chance de peser dans ce secteur, compte tenu de la place prédominante des géants américains ?
Nous avons des outils exceptionnels en matière d'IA. Si vous regardez les 100 papiers scientifiques qui l'ont impactée ces dernières années, dans 85 % d'entre eux, il y a un polytechnicien. On a des talents qui, il est vrai, sont très fortement attirés vers les Gafa. Mais on a aussi des initiatives qui émergent en France pour une IA dans l'énergie, dans les transports et la ville durable. C'est là que l'X souhaite porter l'effort, pour qu'il n'y ait plus aucun ingénieur qui sorte de l'école sans avoir un bagage en IA, avec une spécialisation.
Venons-en à la formation. Quelles évolutions pour le cycle ingénieur ?
Nous allons justement concentrer les enseignements sur l'intelligence artificielle, la cybersécurité, la fusion nucléaire et les technologies quantiques, dont les applications industrielles et sociétales sont en train d'exploser. Concernant l'enseignement au développement durable - où il y a une attente très forte -, nous lancerons, à la rentrée 2024, un cours pluridisciplinaire de 40 heures. En avril, nous aurons aussi un nouveau cours sur les enjeux de souveraineté et de défense.