Salut Redhot,
OK, il m'est plus facile de te répondre maintenant...
Le contexte de mon côté: je "rêvais" d'être chercheur quand j'étais lycéen, bien que comme toi j'ignorais tout de ce métier... Ce désir était basé sur le fait que la physique théorique me passionnait et que j'étais avide de connaissances dans ce domaine. J'ai fait une prépa MP, puis une école, puis un master, avec des stages dans la recherche, dans le secteur nucléaire (beaucoup plus appliqué que la physique "pure" déjà). Aujourd'hui je ne m'oriente pas vers le métier de chercheur.
Ceci dit, je ne veux en dissuader personne, je vais donc essayer d'être aussi objectif que possible...
Il faut d'abord savoir de quoi on parle, alors je distinguerais 3 catégories:
-la recherche fondamentale, monopolisée en France par le CNRS: on y trouve les domaines d'étude les plus théoriques: supercordes, cosmologie, etc.
-une catégorie un peu "intermédiaire" entre les 2 autres, que j'appellerais "recherche appliquée". C'est celle qui est par exemple exercée au CEA ou dans certains laboratoires dépendant des Grandes Ecoles ou Universités. Les chercheurs ne dépendent pas d'une entreprise privée, mais les recherches ont pour but une application "vendable" à terme au privé. Exemples: recherche en physique des matériaux, en physique nucléaire, certains domaines de la physique quantique, etc.
-la R&D (recherche et développement): elle se fait dans les services internes des entreprises privées. Toute entreprise à composante technique (énergie, automobile, aéronautique, transports, bâtiments, etc.) dispose de grosses structures en R&D.
Tu t'en doutes, donc, le métier de R&D est le plus proche de celui d'ingénieur, et est d'ailleurs rempli par des ingénieurs en majorité, alors que la recherche fondamentale en est la plus éloignée.
Pour le métier au quotidien, je ne peux que décrire mon expérience personnelle lors de mes stages (un en France, l'autre aux US) dans la recherche appliquée:
J'étais assigné à un projet. D'autres chercheurs travaillaient sur le même thème mais le travail est individuel. Même s'il y a bien sûr des aspects collaboratifs, le métier de chercheur est extrêmement "solitaire" comparé à celui d'ingénieur. C'est de moins en moins vrai quand on va vers de la recherche plus appliquée et plus "industrielle", ceci dit.
Le travail en lui-même est très informatisé, ce qui est pour moi un gros point noir. Au jour le jour, le chercheur est avant tout un informaticien qui doit débugger son code de calcul, et cet aspect m'a fait perdre pas mal d'illusions à propos du caractère excitant de la découverte scientifique...
Mon sujet de stage portait sur l'étude d'un modèle de réacteur nucléaire et de l'influence de sa géométrie sur certains paramètres physiques importants. On m'a fourni un programme informatique permettant de modéliser le comportement du réacteur (concrètement, un long paquet de lignes de codes, pas une jolie interface 3D

), et mon job était de modifier les paramètres, observer les résultats, les entrer dans un tableau Excel et réfléchir un peu s'il y avait un sens physique à tout ça. Tout le travail de calcul est fait par l'ordinateur, en exagérant un peu on pourrait presque dire que le chercheur en physique appliquée n'a même pas besoin de connaître les équations de la physique...
Bon, ce dernier paragraphe reflétait mon expérience, je ne cherchais pas à décrire la recherche dans toute sa diversité, il faudrait plus de témoignages pour ça.
D'une manière générale, si tu suis un peu l'actualité, tu es conscient que le métier de chercheur dans le public n'est pas la panacée en France: le nombre de postes est faible, même les secteurs très en vogue comme le nucléaire n'embauchent que peu. L'effort intellectuel consenti pour devenir chercheur n'est absolument pas reconnu en terme de salaires, même s'il existe des secteurs mieux lotis (CEA, par exemple).
C'est totalement différent pour ce qui est de la R&D, mais quand je parle de ce domaine, il s'agit d'ingénieurs, et non de chercheurs, malgré le terme "recherche". La France, et le monde entier d'ailleurs, subit une pénurie d'ingénieurs techniques de bon niveau, et on embauche à tour de bras...Gros contraste donc avec la recherche plus fondamentale. L'avantage du privé est une capacité d'évolution plus importante: on ne sait pas de quoi l'avenir est fait, et quelles seront nos préférences dans quelques années: intégrer un organisme de recherche public, c'est malheureusement un peu s'y "enfermer" de nos jours, et la conversion à autre chose est très difficile. Intégrer la division R&D d'une grosse entreprise après une bonne école d'ingénieurs, c'est la perspective de pouvoir passer à autre chose (gestion de projets, travail de terrain, etc.) si l'aspect un peu solitaire, un peu répétitif, a fini par lasser avec le temps.
En guise de conclusion, je ne pense pas exagérer en disant qu'il faut avoir la foi pour s'engager dans la recherche fondamentale: ce faisant on renonce à des positions plus faciles d'accès, plus rémunératrice et mieux considérées "socialement". Mais pour quelqu'un dont c'est la passion, qui ne pense pouvoir être heureux que dans ce métier, il ne faut pas hésiter: pouvoir faire un métier qui plait, c'est le but d'études réussies.
Mais, et c'est un très grand mais, ce n'est pas le genre de réflexion qu'on peut avoir à 17 ou 18 ans. Ce n'est que pendant l'école d'ingés au contact des entreprise, lors des stages, en discutant avec des ingénieurs ou chercheurs, que j'ai commencé à avoir une idée précise de tout ce monde. C'est tout à ton honneur de t'intéresser très tôt à ces questions, mais le conseil que je te donne, et que je donne à tous ceux qui hésitent par rapport à leur cursus, est de choisir la voie qui offre le plus de possibilités, pour à 23 ou 24 ans, une fois toutes les données en tête, avoir toutes les cartes en main...Et dans notre système français, la meilleure voie pour ça est de faire une prépa et essayer d'avoir une bonne école selon ses capacités...
Je me suis un peu dispersé en cours de route, mais j'espère avoir répondu à tes questions...Si d'autres te viennent à l'esprit n'hésite pas à me recontacter...et bonne chance pour ton admission en MPSI!
Jonathan