Marrant, je tombe sur ce post justement après m'être remémoré les torseurs, et m'être fait la réflexion de ne plus les avoir beaucoup utilisés depuis que j'ai commencé à faire de la mécanique "pour les grands" (i.e. à lire la littérature scientifique contemporaine).
Epistemoperationnel a écrit : ↑19 déc. 2021 21:25
- Quel est le lien entre les torseurs au sens français du terme , et les torseurs utilisés en robotique, et qui semblent être l'analogue anglo-saxon du torseur français ? (Voir Screw Theory
https://en.wikipedia.org/wiki/Screw_theory )
- Plus précisément, pourquoi les torseurs "screw" anglo-saxons ont également un torseur dynamique, cinématique et statique mais celui ci s'écrit sous forme matricielle et semble utiliser des outils mathématiques plus vastes (algèbre de Lie ?) . Les "screw" sont ils enseignés en France dans d'autres domaines que la robotique ?
Si l'on veut être pointu, on peut voir le torseur des vitesses d'un solide rigide comme appartenant à l'algèbre de Lie du groupe spécial Euclidien, et le torseur des efforts comme appartenant à son dual ; cf. par exemple
https://www.cs.cmu.edu/~junggon/tools/l ... namics.pdf. Outre le fait de pouvoir briller en soirée, il y a plusieurs intérêts à utiliser des outils mathématiques plus vastes que la simple algèbre vectorielle en mécanique :
- d'un point de vue conceptuel, cela donne une certaine vision "géométrique" de la mécanique et fait le lien avec la théorie des groupes, fondamentale en physique (là-dessus, voir par-exemple Holm,
Geometric Mechanics and Symmetry, ou bien Souriau,
Structure des systèmes dynamiques ...mais ça n'est pas infiniment digeste !).
- d'un point de vue très pratique en revanche, cela permet d'établir des algorithmes plus efficaces. Typiquement pour des systèmes multibody, on peut tenir compte du fait que les quantités cinématiques manipulées (translations + rotations, vitesses) ne vivent pas dans un espace vectoriel mais dans un espace non-linéaire (SE(3) le groupe spécial Euclidien et se(3) son algèbre de Lie) par-rapport aux paramétrisations possibles ; et adapter les algorithmes à ce fait. Le formalisme "groupes" simplifie aussi quelque peu les formulations, puisque rotation et translation sont traités d'un même bloc et qu'on peut combiner les mouvements sans plus trop réfléchir, simplement en manipulant des matrices 4x4. De plus les liaisons entre solides peuvent s'interpréter comme une restriction des mouvements possibles à des sous-groupes de SE(3) ; il y a un côté très "unifié" qui est agréable.
Puffin a écrit : ↑12 janv. 2022 19:21
Par contre, effectivement je ne sais pas si c'est enseigné en dehors de la robotique où ces outils sont suffisamment puissants pour que ça vaille le coup de les enseigner au dessus / en redondance à ce que les taupins ont appris (pour ceux qui ont fait SI).
Enseigné, je ne sais pas, en tout cas c'est utile aussi pour formuler des problèmes d'élasticité simplifiés (poutres et coques typiquement). Pour ce qui est des poutres, chaque section indéformable le long de la ligne 1d déformable peut se voir comme un élément du groupe SE(3). Les avantages de cette vision des choses sont ceux cités ci-dessus, et le fait qu'on obtient des formulations éléments-finis qui ont "naturellement" de bonnes propriétés ; alors que ça n'est pas du tout trivial autrement. Cela a donc son intérêt pour toutes les modélisations multibody "corps rigides" et "corps flexibles" en général, ce qui dépasse le champ strict de la robotique.